Introduction
Bonjour à tous ! Je m'appelle Lewis, et je suis concepteur sonore chez Soundcuts ainsi que cofondateur d'Airwiggles. Je suis ici pour vous parler du domaine audio que j'aborde toujours en premier lorsque je travaille sur un nouveau projet : les ambiances ! Notre équipe chez Soundcuts a récemment travaillé sur The Quarry, de Supermassive Games, et j'ai été chargé de concevoir les ambiances, entre autres choses. Je pense que la conception sonore des ambiances est souvent sous-estimée dans les jeux vidéo, en particulier dans les vidéos de démo des concepteurs sonores débutants : c'est une excellente occasion de donner vie à un monde, d'ajouter du réalisme, d'installer une atmosphère, de raconter une histoire, et de ravir tous les joueurs qui se trouvent être aussi de fervents observateurs d'oiseaux. Les ambiances peuvent être bien plus qu'un simple Switch Container passant d'une boucle stéréo à une autre : en tant que personne ayant récemment plongé dans l'univers de la conception d'ambiances, je vais vous expliquer comment je m'y prends pour les rendre aussi riches et détaillées que possible !
Étape 1 : Trouver ses repères
Avant d'entrer dans les détails techniques, je commence toujours par me demander : qu'est-ce que je cherche à obtenir ? Pourquoi consacrer autant de temps et d'efforts aux ambiances ? Voici ce que je veux que mes ambiances accomplissent :
- Ajouter du réalisme : Je ne veux pas que les joueurs soient déroutés en entendant un oiseau appartenant à un autre continent, une voiture au moteur inapproprié ou un insecte chantant à un moment inadapté de la journée. Un son de qualité renforce l'immersion des joueurs dans le monde du jeu, et veiller à l'exactitude de ces détails permet d'attirer les joueurs sans qu'ils s'en aperçoivent.
- Positionner le joueur : J'aime que les joueurs puissent se repérer dans un niveau les yeux fermés. Avec suffisamment d'émetteurs sonores et quelques astuces créatives d'implémentation, ils devraient être en mesure de déterminer rapidement leur orientation, leur altitude et l'emplacement des points d'intérêt d'un niveau.
- Raconter une histoire : Comme tous les aspects de l'audio, les ambiances sont un excellent moyen de raconter subtilement une histoire au joueur. Un bruit de meuble bien placé peut faire frissonner quelqu'un plongé dans un jeu d'horreur terrifiant, tandis qu'une sirène de police au loin peut renforcer l'intensité d'une scène d'action dans une ville animée. Une fois nos systèmes en place, il existe une multitude de façons de les adapter et de les manipuler au service de la narration.
Sachant cela, ma première étape consiste généralement à rassembler mon matériel source. Je veux être aussi précis que possible et, à ce stade, j'essaie d'ajouter un son pour chaque élément de la scène susceptible de produire du bruit. Si le niveau se déroule en forêt, nous pouvons puiser dans notre imagination et nos bibliothèques sonores pour identifier des types de sons pertinents :
- Du vent soufflant dans les arbres et les buissons
- Des cris d'oiseaux
- Des gazouillis d'insectes
- D'autres cris d'animaux comme des sons de cerfs, de renards et de grenouilles
- Des bruits d'animaux sauvages qui rampent, grimpent, volent, frappent du bec, etc.
- Des ruissellements de rivières et de ruisseaux
- Des sons de véhicules lointains, allant des voitures sur l'autoroute aux avions dans le ciel
- Des craquements de bois venant des arbres
- Des bruissements de feuilles et de buissons
- Des sons de brindilles et de pommes de pin tombant des arbres
- Des gouttes d'eau tombant sur les feuilles et les troncs d'arbres
Image 1 : Une session REAPER typique comprenant plusieurs couches sonores d'une ambiance de forêt.
Je commence ensuite à réfléchir à la manière d'utiliser ces sons. Lorsque je crée des ambiances, j'ai besoin de plusieurs types d'éléments sonores. Ceux-ci peuvent être classés en deux catégories principales : 2D ou 3D. Les sons 2D sont des sons stéréo/surround joués sans information de positionnement, comme un simple roomtone ou un fond sonore de vent. Les sons 3D, en revanche, sont des sons mono que nous assignons à des objets spécifiques, avec des atténuations personnalisées, comme le bourdonnement d'un climatiseur ou le grésillement d'une lampe. Une fois tout cela implémenté, nous devrions avoir, comme je l'espère, un bel équilibre mélangeant sons 2D et 3D qui donneront une ambiance riche et immersive, quel que soit l'endroit où se trouve le joueur. Voici les types d'éléments que je garde en tête lorsque je collecte du matériel source :
- Beds (ou Pads) 2D (boucles non spatialisées) : il s'agit des fonds sonores stéréo classiques joués en boucle, qui se trouvent tout en arrière-plan. Je les appelle « beds » (lits) car tous les autres sons seront joués par-dessus. Le rôle des beds 2D est d'apporter de la continuité à l'environnement sonore, quel que soit l'endroit où se trouve l'auditeur, et de s'assurer de ne jamais avoir de silence complet. Un bed 2D peut être un roomtone intérieur, un vent subtil, un grondement de vaisseau spatial… quelque chose d'assez discret, car il ne doit généralement pas attirer l'attention.
- Oneshots 2D (sons uniques non spatialisés) pour la randomisation : c'est probablement le type d'élément le plus rare que j'utilise, mais il arrive que j'aime déclencher des sons 2D uniques par-dessus les boucles à l'aide de Random/Sequence Containers. Cela me permet d'explorer le côté non diégétique de la conception d'ambiances. Par exemple, dans un jeu d'horreur, nous pourrions avoir un ensemble de chuchotements sinistres de fantôme, déclenchés à des intervalles aléatoires, sans provenance précise. Nous pouvons randomiser leur volume et leur position dans l'espace sonore, rendant impossible leur localisation par le joueur : ils deviennent plutôt une présence floue qui le hante. Nous avons utilisé une approche similaire dans The Quarry, avec des rafales de vent inquiétantes déclenchées aléatoirement lorsque le joueur marchait sur une passerelle dangereuse en hauteur.
- Sweeteners 2D (sons d'agrément non spatialisés) : Je les classe comme des éléments individuels joués une seule fois. Parfois, même avec le système d'ambiance le plus élaboré au monde, vous avez toujours besoin d'un petit élément audio conçu sur mesure pour mettre en valeur un plan de caméra précis à un moment clé. Cela peut être un sifflement de vent lorsque le joueur entre pour la première fois dans une grotte effrayante, ou le cri d'un aigle lorsqu'il saute d'une grande hauteur dans Assassin's Creed. Les sweeteners 2D sont extrêmement utiles pour les cinématiques en temps réel, car ils permettent de concevoir des couches d'ambiance personnalisées pour des plans de caméra spécifiques, tout comme on le ferait dans un média linéaire.
- Spots 3D (boucles spatialisées) : ils constituent la majeure partie des assets d'ambiance. Certains objets ou certaines zones d'un niveau peuvent, d'une manière ou d'une autre, émettre un son. Leurs possibilités sont infinies : des éléments évidents comme le ronronnement d'un réfrigérateur ou un robinet qui goutte, aux sources sonores plus subtiles comme le bruit extérieur filtrant à travers une fenêtre fermée, ou un son d'écoulement provenant des tuyaux dans le plafond. J'essaie de remplir les niveaux avec autant de ces sons que possible ; et s'il y en a trop, je peux toujours en retirer plus tard !
- Oneshots 3D (sons uniques spatialisés) pour la randomisation : tout comme pour les oneshots 2D, il est parfois intéressant de déclencher certains sons aléatoirement à partir d'un endroit précis du niveau. Cela fonctionne particulièrement bien pour la faune : cris d'oiseaux, couinements de rats, hurlements de renards… Nous pouvons les positionner là où ces animaux pourraient se trouver. Grâce aux paramètres aléatoires de délai, de pitch et de volume de Wwise, nous pouvons nous assurer que ces sons ne suivent jamais un schéma répétitif, tout en optimisant la mémoire disponible.
- Sweeteners 3D (sons d'agrément spatialisés) : Comme les sweeteners 2D, il est aussi possible de placer un élément sonore sur un objet spécifique de l'environnement pour enrichir l'ambiance lorsqu'un moment clé le nécessite. Une idée amusante consiste à implémenter un son d'envol d'un groupe d'oiseaux, positionné là où se trouvent des sons d'oiseaux dans le niveau, et de le déclencher lorsqu'un joueur tire avec une arme à feu.
Maintenant que nous avons une multitude d'idées créatives pour nos sources sonores, il est temps de commencer à créer nos assets ! Nous pouvons débuter en rassemblant des effets sonores et en enregistrant nos propres ambiances, mais il est essentiel de garder à l'esprit qu'avec autant de couches sonores jouant simultanément, chaque élément individuel doit rester subtil. Essayez de maintenir un faible niveau sonore moyen et rappelez-vous qu'il est tout à fait acceptable que certains éléments soient pratiquement silencieux, ponctués seulement de légers grincements ou de petits détails sonores disséminés çà et là.
J'aimerais aborder rapidement un élément spécifique des ambiances : les oiseaux. La plupart des jeux sur lesquels j'ai travaillé demandaient d'avoir des chants d'oiseaux en arrière-plan et, auparavant, ma méthode de prédilection consistait à rechercher « birds » dans ma bibliothèque de sons et à y glisser ce qui me semblait agréable. Avec le recul, cette approche me semble assez limitée, car il s'avère que le monde des chants d'oiseaux est bien plus vaste que je ne l'imaginais. Cela peut sembler évident, mais il existe des milliers d'espèces d'oiseaux, chacune ayant ses propres cris aux sonorités très distinctes, qui ne se manifestent que dans certaines régions et à certaines saisons. Les chants d'oiseaux que l'on entend dans une région d'Amérique seront très différents de ceux que l'on retrouve plus au sud. Grâce à Internet, vous pouvez rechercher les oiseaux les plus courants dans la zone géographique où se déroule votre jeu. Vous pouvez également adapter leurs cris en fonction de la saison, du moment de la journée et de l'environnement, par exemple si ces oiseaux ont tendance à vivre près d'un plan d'eau. En ajustant votre ambiance pour n'inclure que des oiseaux géographiquement appropriés, le paysage sonore que vous créerez sera unique, détaillé et précis - et il ravira tous les amateurs d'ornithologie qui seront à l'écoute ! Il convient toutefois de noter que si l'intérêt narratif l'exige, vous pouvez toujours vous permettre quelques libertés, comme le font de nombreux films hollywoodiens en insérant un cri de huard bien placé. Ce n'est peut-être pas réaliste d'un point de vue technique, mais le rendu est plutôt cool !
Ce principe s'applique également à d'autres espèces animales : les renards, les cerfs et les insectes émettent tous des sons spécifiques selon leur habitat et le moment de la journée. Mon collègue Chris Jolley a poussé cette approche encore plus loin en intégrant des effets sonores de grillons dans The Quarry : il a découvert que, selon la loi de Dolbear, le rythme des stridulations des grillons varie en fonction de la température extérieure. Il a donc calculé la température approximative de chaque lieu du jeu et a ajusté la fréquence des chants de grillons en conséquence. Ce souci du détail a permis d'apporter une sensation unique à chaque lieu, que le joueur en soit conscient ou non. Ajouter de la faune à vos ambiances est un excellent moyen d'insuffler de la vie à vos environnements. Réfléchissez aux endroits où certains animaux pourraient se trouver : des rats qui couinent dans un sous-sol près de vieux restes de nourriture, ou des cris de renards résonnant dans les rues d'une ville endormie.
Image 2 : Une session Wwise simple avec plusieurs ambiances 2D et 3D différentes.
Étape 2 : Rendre les choses dynamiques
En règle générale, j'essaie de m'assurer que chaque position de caméra possible à l'intérieur d'un niveau bénéficie d'un mix d'ambiance adapté. Cette approche me permet de m'assurer que mes ambiances sont suffisamment détaillées et m'aide à atteindre une esthétique sonore que j'apprécie particulièrement : des ambiances qui sonnent comme un film. Au cinéma et à la télévision, chaque changement de plan s'accompagne d'une transition de l'ambiance sonore qui correspond au nouvel emplacement de la caméra. L'idée d'avoir une seule piste d'ambiance tournant en boucle et sans variations à travers plusieurs coupes de caméra est quelque chose que l'on retrouve principalement dans les jeux vidéo, et que j'essaie personnellement d'éviter. Des ambiances détaillées ne servent pas seulement à fluidifier des changements de plan abrupts : elles permettent aussi qu'avec n'importe quel mouvement de caméra fluide, comme lorsqu'elle suit le joueur pendant ses déplacements, elle puisse entendre son environnement évoluer naturellement, avec chaque couche d'ambiance se modulant, se déplaçant et s'adaptant dynamiquement à sa position. C'est l'un de ces détails subtils que les joueurs « ressentent » plus qu'ils ne l'entendent réellement lorsqu'ils jouent, et c'est un autre moyen puissant de renforcer leur immersion !
Nous avons désormais plusieurs émetteurs sonores configurés pour jouer nos ambiances, ce qui permet à chaque endroit du niveau d'avoir une identité sonore unique. Cependant, grâce à Wwise, et pour la démonstration de cet article Unreal, nous pouvons aller encore plus loin. Voici quelques moyens d'ajouter de l'interactivité à nos systèmes d'ambiance !
L'un des systèmes que j'utilise fréquemment repose sur un RTPC nommé « CameraHeight » (élévation de la caméra), destiné à influencer pratiquement chaque élément d'ambiance du jeu. En ajustant manuellement la valeur de ce RTPC en fonction de la position de la caméra, ou en utilisant des Actors de volume audio pour automatiser cette modulation, nous pouvons modeler les ambiances en fonction du paramètre d'élévation. Un cas d'usage évident est d'accentuer les sons d'oiseaux et d'atténuer ceux des insectes à mesure que la caméra prend de la hauteur. J'aime aussi ajouter des contrôles de filtre et de pitch à diverses couches sonores 2D (comme la réverbération d'une pièce et le vent) pour modifier subtilement la tonalité du fond sonore. Au niveau du sol, le vent contient généralement beaucoup de fréquences aiguës produites par le bruissement de l'herbe, des arbres et des buissons, alors que ces sons deviennent plus discrets en altitude. Nous ne sommes pas obligés de rester strictement réalistes : nous pouvons exagérer certaines courbes RTPC pour renforcer la narration audio et accentuer les différences entre des lieux qui, autrement, se ressembleraient. J'aime particulièrement appliquer des modifications de pitch marquées sur les sifflements de vent et ajouter des couches d'ambiance spécifiques qui ne sont audibles qu'à certaines hauteurs.
Image 3 : Augmentation du volume du Random Container « Bird Crow » en fonction du RTPC « CameraHeight ». Plus la caméra est en hauteur, plus les oiseaux deviennent audibles !
Un autre système essentiel que j'ai utilisé repose sur un StateGroup nommé « CameraShotType ». Il est particulièrement utile pour les cinématiques comportant des changements de plan abrupts, qui jouaient un rôle central dans The Quarry. L'idée est de définir plusieurs States en fonction du type de prise de vue de la caméra : par exemple, « Close Up » (caméra rapprochée), « Wide » (plan large), « Low » (contre-plongée), etc. Ces States permettent ensuite d'ajuster subtilement les volumes et les filtres appliqués au bus global d'ambiance. Par exemple, lorsque la caméra passe en mode « Close Up », l'ambiance est légèrement atténuée de quelques dB, tandis qu'en mode « Low », un léger filtre passe-bas est appliqué. L'objectif ici est la subtilité : il ne s'agit pas de modifier drastiquement le mixage, mais d'apporter des petites nuances qui accentuent le style « cinématographique » du son, en renforçant la sensation de chaque coupe de caméra.
Image 4 : Le State « CameraShotType » modifiant l'Actor-Mixer d'ambiance. Les différents plans de caméra ont des effets subtils sur l'ensemble du bus d'ambiance.
J'ai déjà mentionné brièvement l'idée d'utiliser des volumes audio pour contrôler automatiquement les RTPC. Pour clarifier, il est possible de placer des hitboxs (volumes de collision) invisibles dans le niveau afin de modifier les RTPC et les States en fonction de la position de la caméra ou du joueur. Par exemple, en plaçant un volume audio couvrant l'ensemble du niveau et en réglant le RTPC CameraHeight de 0 à 100 selon la position de la caméra dans ce volume, on obtient un moyen efficace d'ajuster automatiquement le paramètre d'élévation de l'ambiance. Cette technique peut être utilisée dans bien d'autres contextes ! Une astuce de base pour utiliser ces changements de States consiste à placer ces volumes dans des abris lorsqu'il pleut, de manière à ce qu'ils déclenchent un State filtrant les sons de la pluie. Si le niveau se déroule en extérieur avec des vents forts, on peut ajouter des volumes audio autour des murs, des bâtiments et des coupe-vent, afin qu'ils atténuent et filtrent les couches sonores 2D de vent grâce à des RTPC qui réagissent à la proximité du joueur.
En résumé, j'essaie toujours d'imaginer des moyens d'apporter de la dynamique et de l'interactivité aux systèmes d'ambiance. Et, généralement, lorsque j'ai une idée en tête, il existe un moyen relativement simple de l'implémenter avec Wwise et Unreal. Y a-t-il des contrôles ou des actions que le joueur peut effectuer et qui pourraient influencer l'ambiance, même de manière très subtile ? Par exemple, si un joueur utilise une lampe torche pour éclairer une zone sombre d'une caverne, pourquoi ne pas ajouter un effet sonore de chauves-souris s'envolant soudainement ? Si une tempête approche, on pourrait brièvement réduire le niveau du vent pour simuler le calme avant la tempête ! Certains jeux vont même jusqu'à briser le quatrième mur grâce à une ambiance dynamique. Par exemple, dans Black & White, le jeu scannait secrètement l'ordinateur du joueur pour trouver son prénom et, si l'on jouait après minuit, diffusait en arrière-plan quelques chuchotements effrayants contenant le vrai nom du joueur. Chapeau bas aux développeurs qui ont eu cette idée !
Étape 3 : Plier les règles
Jusqu'à présent, ces astuces d'implémentation dans Wwise nous ont permis d'ajouter des détails supplémentaires aux ambiances, ce qui est déjà un excellent résultat. Mais l'objectif principal du son dans les médias est d'aider à soutenir l'histoire ! Ainsi, en plus d'enrichir les ambiances pour plus de réalisme, nous pouvons exploiter ces mêmes techniques pour plier la réalité et renforcer les émotions que nous cherchons à transmettre.
Par exemple, nous avons consacré beaucoup de temps aux oiseaux et à la faune, construisant ainsi une base solide avec plusieurs émetteurs de vie sauvage jouant des sons d'oiseaux pertinents, géographiquement cohérents et adaptés à la saison ainsi qu'au moment de la journée. Cependant, les sons d'animaux sauvages, et en particulier ceux des oiseaux, peuvent déclencher des réactions émotionnelles spécifiques chez le public, ce que nous pouvons exploiter à notre avantage. Les chants d'oiseaux classiques sont souvent perçus comme joyeux, paisibles et apaisants, tandis que certaines espèces comme les corbeaux et les corneilles sont associées à la mort. Les cris de huards sont fréquemment utilisés pour accompagner des scènes tristes ou inquiétantes, et les hululements de hiboux sont un moyen simple, mais aussi souvent surutilisé, d'indiquer qu'il fait nuit. Chaque espèce d'oiseau peut provoquer une réaction émotionnelle différente : réfléchissez donc aux sons spécifiques qui correspondent aux émotions que vous souhaitez évoquer de manière subtile. Nous pouvons ensuite utiliser certaines techniques de Wwise pour aller plus loin. Si un joueur se promène joyeusement dans une forêt durant l'été, entouré de chants d'oiseaux, et que l'histoire prend soudainement un tournant dramatique où il doit combattre ou fuir des monstres terrifiants… alors coupez les sons d'oiseaux ! Il y aurait un décalage étrange si un combat angoissant se déroulait pendant qu'un adorable couple de rouges-gorges chantonnait en arrière-plan. Vous pouvez couper les oiseaux brusquement, en simulant leur envol immédiat et bruyant dès qu'un coup de feu est tiré, ou bien vous pouvez encore les faire disparaître progressivement, comme s'ils détectaient un danger environnant (peut-être même avant même que le joueur ne s'en aperçoive, pour suggérer que quelque chose ne va pas). Si, au loin, le joueur aperçoit un lieu menaçant, comme par exemple le repaire du boss final, vous pouvez discrètement introduire un cri de corbeau, de corneille ou de vautour pour renforcer l'impression de danger. C'est une technique de narration bien connue dans Les Simpson : à chaque plan large sur la centrale nucléaire, on entend un croassement lugubre, soulignant métaphoriquement que cet endroit, où Homer travaille pour nourrir sa famille, est aussi celui qui a tué son rêve de devenir employé dans un bowling. Nous pouvons maintenant nous éloigner de la réalité : l'objectif est d'ajouter des interactions aux systèmes d'ambiance pour influencer subtilement les émotions des joueurs, rendant ainsi le jeu plus immersif, plus marquant et donc plus captivant.
Image 5 : Ajout d'un RTPC atténuant progressivement le volume du Random Container « Bird Finch » (pinsons) en fonction d'un nouveau RTPC appelé « MonsterProximity » (proximité du monstre). À l'approche du danger, les chants de pinsons habituellement joyeux deviennent de plus en plus silencieux.
Il en va de même pour les animaux sauvages ! Avez-vous déjà entendu à quel point les cris des renards sont terrifiants ? Ils me donnent des frissons lorsque je les entends en rentrant chez moi tard la nuit. Alors pourquoi ne pas utiliser ces cris glaçants pour marquer l'approche d'un niveau particulièrement angoissant ? Ajouter des bruissements furtifs ou des cris occasionnels d'araignées, de rongeurs ou d'animaux aux sonorités inhabituelles, en les dispersant sous forme d'émetteurs aléatoires en 2D ou en 3D, renforcera le sentiment d'être cerné par des menaces invisibles dans un jeu d'horreur, et maintiendra le joueur en alerte. Cela ne fonctionnera pas si vous déclenchez des sons d'animaux mignons comme des lapins, des moineaux ou des chats ; en revanche, le bourdonnement des mouches, les grattements de pattes d'araignées ou les cris inquiétants d'autres créatures peuvent générer une atmosphère oppressante… (Note de l'auteur : ne menacez surtout pas les animaux pour enregistrer leurs cris !)
Nous pouvons également utiliser les ambiances pour guider inconsciemment les joueurs vers un emplacement précis. Tout comme les artistes de jeu utilisent des techniques d'éclairage créatives pour indiquer au joueur où aller ou pour attirer son attention sur des secrets cachés, nous pouvons exploiter les ambiances pour obtenir le même effet. Personnellement, j'aime intégrer subtilement des sons de drones ou des roomtones qui deviennent progressivement plus oppressants à mesure que le joueur s'enfonce dans un lieu angoissant, comme un sous-sol. Mais il n'est pas nécessaire de se limiter aux beds d'ambiance : en utilisant des volumes audio, nous pouvons façonner dynamiquement nos ambiances afin que certaines couches sonores, qui induisent des réactions émotionnelles spécifiques, soient amplifiées ou atténuées selon la position du joueur. Par exemple, dans une grotte au fond de laquelle se cache un danger, nous pouvons accentuer des éléments sonores comme des gouttes d'eau, des bruissements de créatures rampantes et des grondements sourds, tout en réduisant les sifflements du vent, afin de suggérer au joueur qu'il s'enfonce sous terre, loin de la familiarité rassurante de la surface. Nous pouvons également guider le joueur vers des secrets cachés grâce à des sources audio 3D : par exemple, dans The Quarry, nous avons placé un corbeau croassant à proximité de chaque « carte de tarot » à collectionner, cartes qui ont été disposées dans le niveau par Eliza, un personnage fantomatique qui, elle-même, possède un corbeau comme « familier ».
Enfin, l'ajout manuel de sons d'agrément dans les ambiances est un excellent moyen d'apporter une touche finale à un système sonore déjà complexe. Même avec un grand nombre de sources audio et de variables interactives, certains moments-clés du jeu ou certains angles de caméra nécessitent une attention particulière pour produire l'impact émotionnel recherché. En s'inspirant de la postproduction audio, la création et l'implémentation de sweeteners ponctuels lors de moments narratifs forts est une approche simple mais redoutablement efficace pour renforcer l'immersion. Si un joueur entre pour la première fois dans un bâtiment hanté, déclencher une bourrasque sifflante qui résonne à travers la maison lui fera instantanément comprendre que cet endroit est sinistre et potentiellement dangereux. De même, si la caméra se déplace lentement pour révéler un élément initialement hors champ, un sweetener bien placé peut souligner cette révélation. Par exemple, un travelling dévoilant une tour inquiétante au loin pourrait être accompagné d'un grincement métallique, d'un murmure fantomatique ou du cri d'un animal sinistre, comme ceux mentionnés précédemment. Une vue panoramique révélant un immense trou béant dans un toit pourrait être renforcé par une bourrasque de vent secouant les fondations du bâtiment, suggérant ainsi qu'il est en train de s'effondrer. En déclenchant ces sons uniquement lorsque le joueur peut en voir l'origine, nous l'aidons à établir un lien direct entre l'image et l'ambiance sonore : cela peut lui faire comprendre, par exemple, que « cette tour au loin est terrifiante et doit être redoutée » ou que « ce bâtiment est délabré et dangereusement instable ».
Conclusion
C'est tout pour moi ! Bien que j'aie longuement parlé des ambiances, je suis persuadé de n'avoir fait qu'effleurer la surface de ce que certains concepteurs audio parviennent à accomplir dans leurs jeux. J'espère que cet article vous aura inspiré à explorer et expérimenter de nouvelles idées pour les ambiances, vous permettant peut-être même de négocier un peu plus de temps dans le budget de votre jeu pour implémenter certaines de ces techniques ! J'aimerais beaucoup découvrir les systèmes d'ambiance fascinants que vous avez conçus ou entendus dans d'autres jeux - n'hésitez pas à les partager dans les commentaires ci-dessous ! Sinon… je me contenterai d'ajouter une couche sonore de grillons.
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